Mon étoile

Mon étoile
Ophélie

dimanche 24 juillet 2011

Je voudrais pleurer

Il y a longtemps que je n'ai pas pleuré.  C'est normal? suis-je devenue insensible ?...ça surement pas...mais j'ai la sensation que les choses ne me touchent plus de la même façon...comme si mon cœur s'était doté d'une protection pour ne pas défaillir, un mot de passe pointu pour en activer certaines sections, les sections concernant Ophélie.  Pourtant on ne s'habitue pas aux soins palliatifs...on s'adapte certes, mais on n'accepte pas tout à fait, pas pour son enfant.  Habituellement j'avais des moments de peine, un instant de grands pleurs qui nettoyait les inquiétudes du moment et je repartais plus légère par la suite.  De temps en temps, un court instant, juste suffisamment et pas trop souvent...un bel équilibre entre la joie et la tristesse.  Il s'est passé tellement de choses depuis quelques semaines...tant d'émotions...il me semble que j'aurais besoin d'une belle cascade de larmes, en toute simplicité.  J'ai beau être sensible à l'extrême et pleurer pour des pacotilles (les hormones de grossesse accentuent ce trait naturel), je regarde Ophélie et....je la trouve jolie.  
Il y a certes des moments émouvants...certains instants qui vont droit au cœur.  Avant-hier Ophélie était étendue sur le divan et en me retournant j'ai vu la poussette vide, alors qu'elle est très souvent dedans...l'espace d'une seconde j'ai ressenti le vide en moi, une grande peine, puis je ne suis souvenue où elle était.  Parfois, lorsque Jacob embrasse sa sœur et lui fait des tonnes de câlins...mon cœur s'émeut : David demandait l'autre soir suite à un tel moment " combien de temps il va se souvenir d'elle ?"...elle va tellement lui manquer...et à nous.  La nuit dernière je me suis réveillé et ne l'entendait pas respirer alors qu'elle fait souvent beaucoup de bruit...j'ai imaginé le silence qui régnera dans notre chambre à son départ...Ophélie a une grande place dans notre vie et c'est d'entrevoir le vide qu'elle laissera qui me serre le cœur...mais les larmes ne viennent pas.  J'ai pourtant l'impression de vivre les choses lorsqu'elles surviennent...alors pourquoi cette sensation d'accumulation ?  Je ne me sens pas insensible...mais je constate que je suis davantage observatrice que réactive, comparativement à l'avant Ophélie...le silence et la contemplation ne me dérange plus.  Peut-être est-ce que ça me permet de vivre les choses plus lentement, plus attentivement...plus calmement...et peut-être est-ce que ça explique que je ne sois pas toujours en pleurs (heureusement!).  Peut-être est-ce en regardant les choses de cette façon que je réussis à voir les beautés qui m'entourent et à ne conserver que le bonheur comme façon de vivre ?   
N'empêche que je me trouve un peu étrange.  Il me semble qu'il faudrait que je pleure...c'est tout de même étonnant comme affirmation.  Pleurer fait du bien, pleurer permet de faire un grand ménage...comme un long et profond soupir...une détente du cœur.  Cependant pleurer doit venir spontanément, on ne peut le provoquer, on ne peut pas tromper son cœur.  Si je pleure peu depuis quelques semaines, c'est peut-être que mon cœur n'en a tout simplement pas besoin...et c'est simplement ma tête qui trouve cela inhabituel.  L'éternelle dualité entre le cœur et la tête...la quête de l'équilibre entre ces deux entités...mon cœur a peut-être simplement besoin que je souris et que je cesse de me trouver anormale de ne pas pleurer...j'aurai en masse l'occasion de pleurer lorsqu'il en aura besoin.  Je vais donc écouter mon cœur ...car si j'ai des raisons de pleurer, j'en ai encore plus de sourire.
  

6 commentaires:

  1. Tu es tellement positive Stéphanie! Je t'admire beaucoup! Évidement que tu as beaucoup de raisons de sourires! Tu as de beaux enfants et un en construction qui sera aussi beau que les deux autres!

    Karine Banville

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  2. Continue à etre aussi positive... tu es incroyable tu grandis et nous fait grandir ...
    Je pense à vous
    xxxx
    soso

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  3. Bonjour Stéphanie,
    Je suis la maman du plus beau petit garçon que je n'aurais pus imaginer: Émile. Émile est né le 5 août 2010, tout comme ta belle Ophélie. Au mois de janvier 2011, nous avons attrapé, moi, papa et Émile la gastro. À partir de ce jour, Émile n'était plus le même petit garçon.
    Son état s'aggravait de plus en plus: perte d'appétit, aucune prise de poids, perte de tonus musculaire. Après des rendez-vous chez le médecin et un pédiate qui a nous a envoyé prendre une radiographie pour vérifier l'état du torticoli (il était toujours très sévère), la pédiatre nous a transféré à Ste-Justine pour rencontrer un neurologue et passer un scan. Le 30 mars 2011, le diagnostic est tombé: Émile a une tumeur à la base de la boîte crânienne (haut du cou). Elle ne pouvait confirmer à 100% que c'était un cancer mais vu l'agressivité de la tumeur, il y avait de forte chance. Une batterie de tests débutèrent et le 1er avril, Émile a eu sa biopsie. Ce n'est que le jeudi suivant que nous avions eu les résultats: tumeur rhabdoïde stade 4. Malheureusement, ce cancer ne procède pas de protocole de chimiothérapie qui a un haut taux de réussite. Le médecin nous proposa de débuter les soins palliatifs immédiatement ou de tout de même tenter la chimio. Le lendemain soir, Émile receva ses premiers traitements de chimio.
    La situation d'Émile s'améliora et même les médecins étaient sûrs que la tumeur avait diminué. Il avait beaucoup plus de mobilité que lors de notre arrivé.
    Lors de sa deuxième hospitalisation, Émile désaturait. Après maintes réflexions, les médecins en sont venus à la conclusion que nous devions faire uen gastrostomie à Émile. Ensuite, il a eu l'histoire de la trop forte pression dans son cerveau. Conséquence: le neurochirurgien lui a installé un drain pour évacuer le trop de liquide. Faire le travail norman du corps....
    Il a également eu notre ami la morphine: celle qui faisait baisser la souffrance dans le corps de mon garçon.
    Début juin: l'état d'Émile se dégrade à vue d'oeil. Que faire? Accepter la dure réalité? trop difficile.
    Je me rappelle ce vendredi matin. Nous étions en congé d'hôpital jusqu'au lundi suivant. Émile n'avait pas beaucoup dormi de lui nuit, se plaignant beaucoup malgré la morphine. Nous avons téléphoné à Ste-Justine pour dire que nous arrivions avec Émile afin de trouver la raison de sa souffrance. Mais nous le savions très bien: Émile avait passé un scan la semaine précédente pour voir pourquoi il avait paralysé de la moitié du visage (c'est à ce moment que nous avions vu la trop forte pression dans la tête). Les médecins nous avaient avisé que sa tumeur avait grossi. De combien? Il ne pouvait nous le dire car elle n'était pas aussi précise que la raisonnance magnétique. Je savais ce vendredi matin qu'en me rendant en l'hôpital, je ne repartirais pas avec mon bébé vivant. Le choc, la douleur que moi, en tant que maman, je ressentais était terrible. J'avais le ventre qui me brûlait, une sensation d'impuissance m'envahissait. Je sentais la mort arrivée.
    Durant la semaine qui suivait, j'ai dit à mon conjoint et à ma mère qu'il n'en restait que pour une semaine à vivre à Émile. Le vendredi, je disais à la travailleuse sociale que nous nous reverrons pas le lundi suivant. En effet, j'avais raison: Émile est décédé le 19 juin 2011 à 21h20, dans mes bras et entouré de tout ceux qui l'aimaient. Chaque personne a pu le prendre une dernière fois.... et merci aux personnels de Ste-Justine de nous laisser le temps, après le décès, de rester avec notre enfant dans la chambre. De prendre le temps de le serrer dans nos bras, de l'embrasser, de le contempler une dernière fois. J'ai ainsi pu, rester 2 heures dans la chambre pour le cajoler une dernière fois.
    Maintenant, je dois apprendre à vivre avec son départ. Stéphanie, je te comprends lorsque tu dis que tu n'arrives pas à pleurer. Je ne pleure pas à tous les jours. Pourtant, la douleur est toujours là.
    Caroline

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  4. Quel beau témoignage Caroline... Je reste sans voix, je ne sais que dire... Moi aussi je connais cette terrible douleur, qui nous envahit, l'impression d'avoir perdu à tout jamais un peu de soit même et de pouvoir le retrouver que le jour où l'on s'envole enfin à notre tour. Emile est partit rejoindre ma petite Lilou et ils peuvent jouer ensemble maintenant, sans souffrance, ils peuvent rire et se déplacer où ils veulent... Moi non plus les larmes ne viennent pas alors que mon coeur et mon corps souffrent énormément. Seul celles qui sont à l'intérieur coulent en permanence... En même temps il faut continuer à avancer, on n'a pas le choix... Merci pour tous vos écrits à toutes les deux, ça m'aide beaucoup à avancer...
    Maav

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  5. Merci de tout cœur Caroline pour ce beau partage, je suis émue...et les larmes ont coulées sur mes joues...et je sais comme l'écriture peut être bénéfique, en tout cas pour moi. J'ai suivi les hauts et les bas de la vie de ton beau Émile, jusqu'à ce qu'il vous quitte...j'ignore ce qui est arrivé le 5 août 2010, mais la vie nous a certes fait cadeau d'enfants merveilleux qui ont changé nos vies à jamais.
    Maav, j'aime l'expression que tu utilises des larmes intérieurs qui coulent en permanence...c'est tellement vrai, c'est exactement ça que je ressens.
    Caroline, Maav, avoir le choix, nous aurions toutes les trois choisies de garder nos petits anges auprès de nous, mais il semble que Émile, Lilou et Ophélie devait avoir un court passage parmi nous...un court passage mais avec une intensité d'amour difficile à égaler. J'ai la chance d'avoir ma cocotte encore avec moi pour une durée inconnue...mais je pense très très fort à vous, vous êtes dans mon cœur et j'ai l'impression d'avoir un lien avec vous même si on ne se connait pas.
    Je nous souhaite de garder toujours confiance en la vie et en l'amour...malgré tout.
    Stéphanie

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  6. Jamais je n'oserais dire que je vous comprends, je ne suis jamais passée par là, mais d'une certaine façon je peux imaginer...
    Ça fait quelques années que nous essayons d'avoir des enfants et c'est assez compliqué pour nous. Je tombe enceinte, mais je les perds à la fin du premier trimestre. C'est plutôt court et en rien comparable à vos histoires, mais je me retrouve un peu dans vos écrits. Je connais le vide qui suit tant de joie...
    Vous lire par contre me donne un peu de recul et me permet d'apprécier ce que j'ai.
    Merci de partager avec nous !

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